L'ail noir : une arnaque ou comment faire une méga cure de "molécules de Maillard" (13/11/2020)

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Cela fait plusieurs mois que j'essaie de faire la lumière sur cette vogue. Le pub insistante et charlatanesque d'une des nombreuses "tentacules" de Santé Nature Innovation qui casse la tête de ses abonnés avec un matraquage au bénéfice d'un produit fabriqué en Espagne a relancé mon intérêt.

Ce produit se vend en France jusqu'à 150 € le kilo.

Wikipedia a raconté des conneries, je cite :

L'ail noir est un ail bruni (par la Réaction de Maillard) à basse température (60 à 80 °C) dans une enceinte humide (70 à 90 %) durant 2 à 3 semaines1, prenant une texture similaire à celle d'un pruneau d'Agen, utilisé en cuisine asiatique, spécialité d'Aomori.

Cette préparation n'a rien à voir avec la variante génétique de l'ail à six gousses, également appelé « ail noir » dans certains pays comme la Corée, ou avec la plante ornementale Allium nigrum (en).

Ceci est faux, en réalité l'ail noir coréen était une vieille spécialité (elle remonterait à 4000 ans) qui a été redécouverte et imitée au Japon d'où sa diffusion mondiale depuis une dizaine d'années environ. Ensuite ce sont notamment les recherches du professeur Jin-ichi Sasaki, spécialiste de l'immunologie à l'université d'Hirosaki, qui ont mis en évidence les bienfaits de l'ail noir sur la santé.

L'ail noir est apparu sur la côte est du Japon au début des années 2000. La transformation des gousses est le résultat d'une très longue réaction, connue sous le nom de réaction de Maillard.

L'ail noir gagne en popularité en Occident dans les années 2010, notamment en France où il est alors commercialisé, pour un prix d'environ 5-10 € par bulbe. Les gousses passent par une cuisson ultra lente (quatre à six semaines au four).

Sa pelure reste blanche, les gousses ont une couleur rappelant le charbon. L'ail normal a une odeur tenace et peut être mal digéré. L'ail noir a un goût qui rappelle le vinaigre balsamique, la réglisse et l'umami. Il a une saveur sucrée et acidulée.

Propriétés attribuées à l'ail noir

- L'ail noir aurait une activité antioxydante supérieure à celle de l'ail blanc. Il renforce le système immunitaire et combat l'action des radicaux libres sur le vieillissement cellulaire grâce à sa teneur en antioxydants) ;

- réduirait le taux de cholestérol et les triglycérides : la consommation régulière d'ail noir serait efficace pour réduire les niveaux élevés de graisses dans le sang ;

- préviendrait le cancer du côlon ;

- serait un bon énergisant naturel, particulièrement utile pour les athlètes et les étudiants.

Les propriétés nutritionnelles de l'ail noir seraient tout aussi intéressantes car il est très riche en protéines, en vitamine C et B6, en magnésium, en calcium, en phosphore et en sélénium. Il semblerait également capable de réguler le taux de sucre sanguin et donc lutter contre le diabète. Ce serait aussi un excellent remède contre la dépression, l'anxiété et le stress oxydatif.

J'ai mis tout cela au conditionnel. On cite les études suivantes :

Références :

https://www.spandidos-publications.com/10.3892/br.2014.22...

La fabrication

L'ail noir fermenté, aussi appelé « herbe aux neuf vertus », est une spécialité tout droit venue d'Asie. Il s'agit d'un ail blanc fermenté naturellement dans de l'eau de mer puis conservé pendant plusieurs mois dans un environnement humide et à une température comprise entre 65 et 80°C.

Lorsque l'on consulte diverses pages on constate que les japonais ont repris cette méthode en 2 points qui comprend d'abord une lacto fermentation classique et ensuite une caramélisation. Or on s'aperçoit que dans les tentatives proposées chez nous, voir :

https://www.61degres.com/recettes/ail-noir-maison/

Que l'étape de la fermentation a été omise. Or la difficulté concernant l'étape de caramélisation porte sur un risque de sécheresse (on obtient quasiment du charbon) sans parler d'un problème de température (minimum 62°). J'ai essayé avec un cuiseur de riz et j'ai constaté que la température de maintien au chaud est plutôt inférieur et celle de cuisson trop haute. Les chinois ont donc proposé des cuiseur avec assistance électronique pour la thermostatisation avec l'inconvénient de produit très fragiles électroniquement. Comme l'opération doit durer des semaines, il vaut mieux ne pas utiliser ce genre de gadget en montagne quand les orages et le risque de foudroiement doit être pris en considération, à moins de le protéger par un super onduleur avec alimentation séparée sur batterie (un coup de 5 à 600 €).

En réfléchissant, j'arrive à la conclusion que la fermentation lactique est déterminante en ce qu'elle gorge chaque bulbe d'eau salée, ce qui, lors de l'étape de noircissement, limite forcément la dessication. Outre une moindre dessication, il est possible que la fermentation soit en fait l'opération essentielle quant à la transformation positive de la molécule...

Que conclure ?

L'ail noir obtenu en 2 opérations distinctes était un produit confidentiel en Corée. Les japonais s'en sont emparés pour l'industrialiser et le commercialiser en faisant tâche d'huile à partir des années 2010. Très probablement, les fabricants locaux ne respectent pas le processus originel ou gardent le silence à ce propos. Il est très curieux que dans l'échange sur le modus operandi ci-dessus des expérimentateurs aient trouvé leur produit maison supérieur à celui d'un producteur utilisant l'ail rose type Lautrec.

Au final, certes l'ail noir est d'un gout agréable, bien plus agréable que l'ail simplement lacto fermenté quoique ce dernier garde un goût assez vif mais sans emporter la bouche. Nous n'avons pas de preuve sous la forme d'une référence à une matière médicale traditionnelle que l'ail noir coréen soit autre chose qu'un simple produit gastronomique gratifié de vertus médicinales par la simple rumeur publique. Il est à noter que si cet ail noir est vieux de 4000 ans, on ne fait de dosage de cholestérol que depuis les années 50 (grosso modo).

Je n'ai pu consulter que l'étude suivante en français :

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4317477/

Je constate qu'aucun groupe de rats n'a été nourri avec de l'ail blanc simplement fermenté et/ou un extrait d'ail blanc classique.

Cette étude s'est donc avérée incapable de prouver la supériorité de l'ail noir par rapport à l'ail blanc. D'autre part, se goinfre de molécules de Maillard est une véritable hérésie !

Donc ma conclusions est la suivante : si vous redoutez l'ail au naturel, faites le fermenter dans une saumure à base de sel de Guérande ou équivalent mais abstenez vous de vous ruiner ou de vous compliquer la vie en voulant manger des kilos de cet ail noir. C'est, tout-au-plus un condiment à consommer avec modération et uniquement comme une curiosité gastronomique. Je suis sûr que si on trouvait le moyen de fermenter de la merde de n'importe quoi en lui trouvant des propriétés médicinales des légions de crétin(e)s se jetteraient dessus.

Moralité : les Japonais, et leurs imitateurs, nous prennent pour des cons et au final l'opération est bien plus compliquée qu'il n'y parait. C'est un fait, je n'ai pas calculé, mais la fermentation des gousses d'ail dans l'eau salée prendre des semaines et peut s'envisager sur des mois. Ce qui n'est pas gênant car ça ne consomme pas d'énergie... Alors arrêtez d'être bêtes !

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